Douance, intelligence et amour

L’hypersensibilité, l’hyperacuité, la fragilité émotionnelle sont-elles un simple handicap ou un dommage collatéral liées à la philo-cognition (à la douance ou au HPi) ou en sont-elles l’essence-même et le fondement ?

Le risque, l'essence même de la vie

Quand vous risquez un pied hors du lit, de bon matin, pour prendre votre petit déjeuner (et accessoirement préparer celui des enfants), quand vous vous préparez et partez vaquer à vos occupations, c’est que vous êtes mû.e par une remarquable énergie vitale qui vous animera jusqu’au soir… quelle que soit la charge mentale de votre journée.

Mais pour les personnes déprimées, en deuil ou un burn-out, par exemple, ce sera bien sûr différent / cf. « Energie vitale, libido… et jeunesse éternelle ».

Or, quand je me lève je prends le risque de glisser dans ma douche et de m’exploser le crâne, de m’ébouillanter avec ma bouilloire, de me rompre le cou dans l’escalier ou de me faire écraser en traversant la rue etc.… Nous cherchons ainsi naturellement à encadrer, limiter et éclairer les risques auxquels nous expose la vie. Par exemple, quand je prends ma voiture, je boucle ma ceinture, je respecte les limitations de vitesse, je m’arrête au stop (même si je vois que le carrefour est désert) etc.

Face à ces dangers qui me guettent à tout instant, le meilleur pour moi ne serait-il pas que je renonce à sortir de chez moi et que je reste couché ?!

Non, car le risque est l’essence même de la vie, le prix de la rencontre et de l’altérité. Sans le risque de la chute et la rencontre de l’échec nous n’aurions pas appris à marcher. C’est le risque d’être blessés, rejetés ou en échec qui développe nos facultés d’adaptation, notre résilience et nous permet de progresser et de nous élever. Sans la sélection naturelle qui découle de nos échecs, les espèces ne seraient pas en perpétuelle évolution. Sans le risque et la mort, la vie et le bonheur seraient insipides, sans relief ni valeur.

Et si je prends le risque d’aimer, je prends celui d’être incompris.e, abandonné.e, trahi.e, rejeté.e etc. Pour Françoise Giroud, ce qui fait d’ailleurs le prix et l’intensité de l’amour c’est davantage le sang et les larmes que les violons et les diners aux chandelles. Aimer se marier est l’acte le plus irresponsable qui se conçoive, quand on sait qu’un mariage sur deux se défait (le plus souvent dans la douleur) avant quinze ans. Prendriez-vous l’avion si vous saviez qu’un avion sur deux s’écrase ? / cf. Article « L’amour, une ressource qui augmente… » (https://www.spring-medicare.fr/sexologie/parabole-multiplication-pains/).

Mais l’énergie vitale et l’amour qui nous poussent vers l’autre (vers les autres) est plus fort que nous. L’énergie vitale et l’amour sont en effet affaire de passion et non par de raison. C’est l’énergie vitale et l’amour qui nous poussent en dehors de notre zone de confort, en dehors de nos peurs. L’énergie vitale et l’amour endorment notre cerveau gauche et laisse notre instinct et l’ivresse nous conduire sur la voie délicieusement dangereuse de l’union sacrée des âmes et des corps, pour goûter le divin frisson… comme les pires cauchemars.

Intégration sociale et réussite

L’homme est un animal par essence social car totalement dépendant de la collectivité. À la différence des organismes et animaux primitifs, l’espèce humaine ne saurait survivre sans la communauté des hommes (famille, tribu, cité, Etat).

L’enfant humain est en effet le seul animal qui vient au monde nu et totalement démuni. Il reste en effet, souvent plus d’un an, incapable de marcher et de longues années plus tard, il reste incapable de se procurer seul sa nourriture. Jusque-là, il requiert donc les soins attentifs de ses proches (alimentation, vêtements, protection, éducation) pendant des années avant qu’il n’acquière un semblant d’autonomie.

Adulte, il est confronté à la spécialisation des fonctions au sein de la société et il doit se trouver une place ou un rôle à jouer dans la société (comme dans une pièce de théâtre). Il n’est ainsi là non plus pas question pour lui de refuser les interdépendances et vivre en solitaire ou en autonomie réelle.

Les prétendus ermites, reclus dans leur tour d’ivoire, ne doivent généralement leur survie qu’aux bons soins de disciples ou de fidèles veillant sur eux et les ravitaillant.

De même manière, les marginaux ou les SDF vivent de la solidarité étatique (par ex. RSA et aides diverses) ou familiale, ainsi que de la charité privée (associations caritatives et oboles individuelle).

On voit ainsi que la réussite humaine réside dans notre capacité à entrer en interaction avec nos congénères.

Le sens de la vie humaine

L’injonction tacite de tout espèce vivante (d’ailleurs formalisée par les grandes religions), c’est : « croissez et multipliez ». Au-delà de ce mantra, le sens de la vie humaine c’est la découverte de l’altérité, l’échange, la coopération et l’entraide. Ces interactions favorisent un ensemencement mutuel (en savoir plus), pas seulement dans le registre amoureux, mais aussi un ensemencement d’idées dans tout échange social ou intellectuel (intelligence collective). L’ingrédient miracle de ces interactions, c’est l’Amour. L’amour c’est cet élan de vie ou cet instinct qui nous pousse à aller vers les autres, en dépit des peurs irrationnelles (ou non), des risques et des calculs.

On peut ainsi dire que la réussite humaine (ou la Performance pour reprendre le titre du dernier ouvrage du Dr. Fanny Nusbaum « Le secret des Performants ») résulte de deux facteurs principaux : Notre intelligence et notre ouverture aux autres (ou notre élan d’amour vers les autres) et surtout de notre capacité à les garder vives et en état d’éveil le plus souvent possible notre intelligence et notre capacité à faire confiance, à aller vers l’autre et à donner avant de savoir si on recevra en échange que j’appellerai notre inclination à la bonté ou à l’amour fraternel. La bonté comme l’intelligence passe par des états de plus ou moins grande intensité, suivant notre stress, notre fatigue et les baisses d’énergie que nous pouvons connaître (trous noirs énergétiques). Or, notre performance n’est à son niveau le plus haut que lorsque notre énergie vitale, notre intelligence et notre aptitude à la bonté sont également au zénith.

Les deux acceptions du mot intelligence

Le mot bureau désigne plusieurs concepts distincts mais liés.

Pour commencer le mot bureau (dérivé de l’ancien français burel) désignait une étoffe grossière dont les scribes protégeaient les pupitres sur lesquels ils œuvraient (ainsi utilisée comme sous-main). Par extension, le mot bureau désigna ensuite la table de travail elle-même, puis la pièce d’un logement dédiée au travail de plume, puis enfin un local (ou même un immeuble entier) dédié aux fonctions administratives. Le mot bureau prit même un sens abstrait pour désigner l’organe chargé d’assurer le fonctionnement des conseils d’administration et d’en diriger les débats.

Le mot intelligence désigne également plusieurs concepts distincts (également liés) :

  1. Il désigne notre « instrument » cognitif INDIVIDUEL (intellectuel et émotionnel) capable d’enregistrer des sensations et traiter des informations, de fournir des raisonnements théoriques et des démonstrations (calculs, exposés, projets etc.), d’agir et réagir de manière adaptée et efficace dans les cas simples… comme les plus complexes.

  2. Mais il désigne aussi (et surtout ?) la « musique » que nous jouons (en différentes circonstances et à différents moments) avec cet instrument cognitif. Le mot INTELLIGENCE désigne alors les différentes manières dont nous jouons de cet instrument (en différents moments et contextes), ou ses états alternatifs, notamment quand nous entrons en intelligence ou en résonance avec les autres. On peut illustrer cette seconde acception du mot intelligence par les expressions : « intelligence collective », « être en bonne intelligence avec une personne »… ou encore « intelligence avec l’ennemi ».

Si je vous dis « J’aime le piano », vous allez sans doute imaginer que j’aime la « musique » du piano, avant de penser à l’image matérielle de cet « instrument » ; c’est-à-dire ce meuble imposant qui encombre le salon de quelques amateurs grandement logés. De même manière, c’est donc cet état d’INTELLIGENCE et notre capacité de nous relier aux autres avec confiance et bienveillance qu’évoque pour le plus grand nombre le mot INTELLIGENCE.

Enfin, l’étymologie du mot INTELLIGENCE nous renvoie bien à cette seconde acception. c’est-à-dire à cette capacité d’établir des liens. INTELLIGENCE vient du latin « INTER » (= « entre ») et « LIGARE » = (« lier, relier » au sens propre et au figuré : unir, rejoindre, conclure un pacte ou une alliance) / ALLIANCE a d’ailleurs la même étymologie.

Intelligence collective et amour

Cette « musique » que nous permet de jouer de notre instrument cognitif individuel connait parfois des moments de grâce où elle atteint un état de performance, comme lorsque nous réalisons un travail de haute qualité intellectuelle (recherche scientifique, rédaction d’une thèse, création d’une œuvre d’art ou autre). Mais sa mélodie est souvent encore plus brillante encore lorsqu’elle est stimulée par d’autres intelligences (intelligence collective) ; c’est-à-dire lorsque nous avons le bonheur de jouer de notre intelligence en concert… voire en orchestre symphonique, si elle est notamment stimulée par des intelligences bienveillantes et encore plus brillantes que la nôtre qui nous éclairent et nous élèvent.

Mais pour que nous soyons touchés par ces états de grâce et de performance exceptionnels, il faut que l’ensemble des parties soient dans la bienveillance, que leurs intelligences s’accordent et fassent tomber tout instinct de défense, de jalousie ou de calcul, en un mot qu’elles entrent dans une logique de mains ouvertes, de partage fraternel et d’amour universel.

Voici pourquoi je suis convaincu qu’amour et intelligence (dans la seconde acception du mot) sont intimement liés. L’intelligence supérieure (celle qui nous relie à nos frères et sœurs en humanité) est ainsi indissociable pour moi de la vertu supérieure de la bonté et de l’amour fraternel et universel qu’elle rend possible, comme elle rend possible la réussite humaine ou la performance.

C’est l’alliance de ces vertus de cœur et d’esprit qui, nous permettant de nous confronter à l’altérité, et qui autorise l’ensemencement émotionnel, la vie en société et la réussite sociale. Concernant l’amour au sein du couple, voir aussi « Humanité, animalité et intelligence collective ou au sein du couple » .

Philo-cognition, hypersensibilité et empathie

La capacité à tisser des liens, à entrer en intelligence avec les autres (en intelligence collective) est ainsi particulièrement développée chez les sujets doués d’hypersensibilité, d’empathie, d’écoute bienveillante et chez les sujets dits philo-cognitifs (ou HPi).

Pour ces derniers, encore faut-il qu’ils aient été diagnostiqués et informés de leur mode d’emploi particulier lié à leur mode de fonctionnement cognitif atypique. Dans le cas inverse, leur mode de fonctionnement particulier sera souvent vécu comme un quasi-handicap, en particulier du fait de leur difficulté à gérer leurs émotions et à communiquer avec les neurotypiques. Pour survivre dans un monde incompréhensible pour eux, ils ont à se réinventer et réinventer leur mode d’interaction avec le monde. Ils ont aussi à identifier le faux-self (qu’ils se sont parfois forgé avant de savoir) et à le mettre en perspective… sans pour autant vouloir le nier, car il est structurant pour eux. Alors, leur capacité à s’intéresser véritablement à l’autre, leur respect et leur bienveillance assumés en feront des personnes qui comprendront les autres et n’en auront plus peur, des personnes qui découvriront que l’union fait la force et qu’on est plus fort AVEC les autres que MALGRE les autres, des personnes qui auront confiance en leur propre résilience et sauront qu’on progresse par l’échec et qui seront ainsi non seulement capables de se relever après l’échec, mais d’en sortir renforcées.

J’en conclus ainsi que l’hypersensibilité, l’hyperacuité, la fragilité émotionnelle ne sont pas un simple handicap ni un dommage collatéral liés à la philo-cognition ou le HPi, mais sont qu’elles en sont l’essence-même et le fondement.

Par Philippe Lamy, Fondateur de Spring-MediCare, à Lyon le 28/05/2021

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